La levée de fonds est un moment clé dans la vie des startups et PME innovantes. Il est facile pour les dirigeants de se perdre lors de cette étape cruciale tant les solutions de financement sont nombreuses et les informations qui circulent dans l’écosystème aussi abondantes que contradictoires.
Pour vous aider, j’ai sollicité plusieurs experts et entrepreneurs (leveurs de fonds, fonds d’investissements, serial-entrepreneurs, fonds de dette, etc. ) afin de leur poser la question suivante :
- Quel serait votre meilleur conseil pour un entrepreneur en quête de fonds ?
Ces 10 réponses vont nous permettre de mettre en perspective les vraies attentes de vos futurs partenaires financiers. Mon but : vous donner des clés pour appréhender sereinement votre levée de fonds, et plus généralement, votre recherche de financements.
Conseil n°1 : Bien calibrer sa levée
Lorsque des startups me sollicitent pour entamer leur recherche de financement, mon premier conseil est de bien « calibrer » sa levée. En effet, la tentation est forte de « lever le maximum » pour construire l’avenir plus sereinement. Or, le financement d’une boîte, c’est avant tout le financement de l’investissement dans un projet. Lever un montant précis pour financer des investissements clairs qui permettront d’atteindre des objectifs lisibles, est l’un des meilleurs moyens d’être crédible dès le premier échange avec les futurs investisseurs.
C’est pourquoi, le conseil de Corentin Orsini est particulièrement parlant et peut s’appliquer aux entreprises qui lèvent à tout moment : tout est une question d’équilibre.
Corentin Orsini de Super Capital
"Sur le sujet de levée en capital (equity), il faut lever le bon montant, au bon moment, à la bonne valorisation. C'est 10 fois plus facile que d'essayer de lever trop gros, ou trop tôt ou sur une trop grosse valorisation"
Pour en savoir plus sur Corentin Orsini :
Conseil n°2 : Prévoir l’après-levée
Lorsque vous songez à lever des fonds dilutifs, il est primordial de préparer l’après, conseille Augustin Sayer.
On peut comparer la levée de fonds dilutive à une équation à plusieurs inconnues : le pourcentage de dilution, le montant levé, les conditions de relution, les conséquences d’une revente prématurée… Tous ces paramètres sont amenés à évoluer tout au long du process.
D’où la nécessité d’anticiper « l’après » pour éviter toute mauvaise surprise.
Augustin Sayer d'Ovni Capital
"Voici mes deux conseils : 1. Signer un pacte d'actionnaires entre fondateurs avant même une levée de fonds. Et surtout indiquer dans ce pacte que si l'un des co-fondateurs s'en va avant que la société lève X millions, le co-fondateur rendra toutes ses actions au nominal. 2. Commencer la levée avec des BAs et finir avec les VCs - pas l'inverse."
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Conseil n°3 : S’entourer de partenaires de confiance pour la due diligence
La due diligence est une étape redoutée. Et pour cause ! C’est l’audit qui va révéler à vos potentiels investisseurs vos forces et faiblesses et sur lequel ils se baseront pour prendre la décision finale.
Cashburn, EBITDA, MRR, ARR… Tout est passé au crible. Bien qu’il s’agisse d’une démarche confrontante et énergivore pour la plupart des dirigeants, Timothée Saumet nous rappelle qu’il est tout à fait possible de créer les meilleures conditions pour cette étape décisive en s’entourant essentiellement de personnes de confiance…
Timothée Saumet d'Efalia
" En résumé, voici les conseils que je donnerais : Bien connaitre le fonds/le partner qui rentre au capital qui va faire sa due diligence sur le fond et le partner qui sera au board ! L'idée est de leur demander directement ET de demander à des références ; exactement comme on le ferait pour un recrutement. Le second serait de se faire entourer d’un conseil qui a l’habitude et en qui on a confiance car c’est une étape longue (>6 mois), impliquante (quasi-mi-temps) et stressante avec des négociations complexes (par exemple la valorisation est loin d’être le seul levier de négociation...)
Pour en savoir plus sur Timothée Saumet :
Conseil n°4 : faites attention au timing
Je dis souvent aux entreprises que nous accompagnons que la recherche de financement nécessite en premier lieu de prendre conscience de la réalité. En effet, qu’il s’agisse de financement dilutif ou de financement non dilutif, la notion de durée des process doit être connue de tous pour éviter toute erreur stratégique.
Lever des fonds, c’est long. Il faut donc prévoir, si votre boîte n’est pas encore rentable, une « runway » de trésorerie de 6 mois minimum. Durant cette période, il faut organiser l’entreprise pour qu’elle garde une trajectoire positive, et atteigne certains objectifs à court terme. En effet, l’ensemble de vos futurs partenaires financiers (investisseurs, banques, organismes, etc.) va observer ce qu’il se passe durant le processus de levée. Un affaiblissement trop marqué peut engendrer des craintes, et conduire à l’échec.
Didier Bernard nous rappelle également que les ordres de grandeur liés à la levée doivent être un point d’attention pour tout dirigeant.
Didier Bernard de Rainmakers
"Lever des fonds auprès d’investisseurs est un processus complexe. Conseil #1 : se faire accompagner pour gagner du temps, piloter le process et accroitre ses chances, améliorer la négociation Conseil #2: faire attention au timing Conseil #3 : faire attention aux ordres de grandeur !"
Pour en savoir plus sur Didier Bernard :
Conseil n°5 : Recherchez des investisseurs qui partagent vos valeurs
Lorsque vous réalisez une augmentation de capital, le profil de vos investisseurs est déterminant pour anticiper la solidité de leur engagement sur le long terme. Prenez le temps d’étudier les projets dans lesquels ils investissent. Même si les montants investis sont le nerf de la guerre, donnez de l’importance à ce facteur valeur.
Sébastien Vollant de HumanCap
"Identifiez les investisseurs qui ont des intérêts similaires aux vôtres : recherchez des investisseurs qui ont une expertise dans votre secteur d'activité et qui partagent vos valeurs et votre vision."
Pour en savoir plus sur Sébastien Vollant :
Conseil n°6 : Passion et persévérance sont les clés pour closer
C’est un conseil qui peut également s’appliquer à toutes démarches de recherche de financement. Vous devez croire à 100% en votre projet avant même de pousser la porte de quelconque guichet de financement.
Quentin Lechemia le sait bien :
Quentin Lechemia de Caption Market
"Si je devais donner un conseil à un entrepreneur lors d'un roadshow pour lever des fonds, ce serait de ne pas hésiter à montrer sa passion pour son projet. Les investisseurs cherchent avant tout à soutenir des projets portés par des personnes motivées, passionnées et déterminées à réussir. Il est peu probable que votre projet soit exactement le même dans 3 ans. Il faut donc montrer votre habilité à poursuivre coûte que coûte, tout en restant agile lorsque le besoin s'en fera sentir. Il est aussi important de communiquer son enthousiasme et sa vision avec confiance et clarté, tout en étant prêt à répondre à toutes les questions et préoccupations des investisseurs. Si vous n'avez pas réponse à tout, ce n'est pas grave. Connaissez vos limites, ce sera apprécié. Enfin, je conseille fortement d'étudier le background de chaque investisseur approprié pour son projet. En connaissant leur domaine d'expertise, leur passé, vous pourrez adapter votre pitch en conséquence. La recherche de fonds peut prendre du temps, ce sont de vraies montagnes russes. La persévérance est la clé pour réussir à convaincre les investisseurs."
Pour en savoir plus sur Quentin Lechemia :
Conseil n°7 – Ne pas confondre vitesse et précipitation
On ne le répétera jamais assez : la recherche de financement n’est pas un sprint mais un marathon. Oui, cette métaphore est facile mais a le mérite de mettre en avant la réalité de cette étape cruciale pour les entrepreneurs.
A la manière d’un athlète de haut niveau, il vous faudra anticiper l’avant, le pendant et l’après levée de manière claire et précise. Comme expliqué précédemment, il faut compter jusqu’à 9 mois pour closer une levée de fonds, prenez donc le temps nécessaire en amont pour éviter toute action précipitée et désorganisée.
En moyenne, un fonds d’investissement finance uniquement 1% des projets qui lui sont soumis chaque année. Un des conseils que je peux vous donner est donc de vous économiser au maximum lors du process de levée.
Si votre produit n’a pas encore fait ses preuves, que vous n’avez pas encore déterminé les projets futurs à financer, n’entamez aucune démarche. Le bon moment sera celui où « toutes les planètes s’aligneront » : votre vision à 18 mois sera claire, vous commencerez à récolter les fruits de vos efforts et vos ambitions nécessiteront réellement un financement extérieur.
Jean David Chamboredon d'Isai
"Ne pas confondre vitesse et précipitation" selon la bonne vieille expression de feu Thierry Roland ;-)"
Pour en savoir plus sur Jean-David Chamboredon
Conseil n°8 : Coupler plusieurs solutions de financement
Un autre conseil est de limiter au maximum le recours au dilutif. En clair : voir la levée non pas comme une simple « augmentation de capital », mais comme une opération globale qui vise à financer des investissements indispensables à votre croissance.
Cette opération doit impérativement faire appel à plusieurs outils de financements. La dilution auprès des investisseurs est un outil important, mais aussi celui qui coûte le plus cher et entraîne le plus de contraintes à terme. Limiter au maximum la dilution en explorant sérieusement toutes les autres pistes de financement de votre projet vous permettra de construire votre avenir bien plus sereinement.
Gabriel Thierry de Karmen
"Le paradigme macro économique de 2023/2024 pousse les entrepreneurs du digital vers des besoins d'optimisation de la structure de financement de leur activité. Nous constatons que, de plus en plus, les entrepreneurs du digital s'équipent de plusieurs solutions de financement pour répondre à des besoins qui s'atomisent de plus en plus. Par exemple, lever des fonds par augmentation de capital permet de financer un projet de développement sur le long terme, une technologie, un lancement produit, etc. Cependant, en lui même, ce financement n'est pas suffisamment adapté pour financer le besoin de BFR quotidien de l'entreprise. C'est ici que les meilleurs entrepreneurs / gestionnaires se démarquent. Ceux-ci arrivent à coupler des solutions de financement à court terme pour créer un effet de levier pour financer leur BFR (affacturage, financement de facture, et revenue based financing avec Karmen) et ainsi préserver leur trésorerie sur le long terme. Naturellement, il nous faut pas non plus oublier les financements publiques d'Etat, de région, ou de la BPI qui sont souvent très compétitifs en terme de coûts et dont tous les entrepreneurs éligibles devraient s'équiper."
Pour en savoir plus sur Gabriel Thierry:
Conseil n°9 : Anticiper et déterminer vos priorités
Le retour d’expérience de Cyril Seghers, le fondateur de Skilleos, est particulièrement intéressant vu que sa croissance s’est faite entièrement sans dilution. Car oui, il est possible d’envisager le développement de son entreprise grâce à l’autofinancement. Néanmoins, une telle tactique implique d’avoir un Business Plan solide permettant de garantir un revenu annuel récurrent. Si votre ambition est d’aller plus loin que l’autofinancement, priorisez vos actions en fonction de vos moyens disponibles.
Cyril Seghers de Skilleos
"Mon conseil est de se concentrer par ordre de priorité sur: 1. Ce qui rapporte: le Besoin en Fonds de Roulement 2. Ce qui ne coûte pas ou peu: les prêts bancaires 3. Ce qui coûte: le financement dilutif"
Pour en savoir plus sur Cyril Seghers :
Conseil n°10 : Entourez vous pour maximiser vos chances de succès
Mon dernier conseil est de ne surtout pas y aller seul, à moins que vous soyez parfaitement à l’aise avec l’exercice. Entourez-vous de professionnels aguerris. Je vous conseille de privilégier ceux qui vous aideront à réaliser un travail de préparation sérieux, contraignant et confrontant. Car c’est souvent ce qui fait la différence au moment de présenter votre projet.
un article écrit par Sébastien Mantanus
Co-fondateur et Directeur Général de Finovup